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La vie est une suite d’aléas qui devrait nous faire aimer la vieillesse

Puycelsi, le dimanche 7 décembre 2014

8h20

JE SUIS TOUJOURS VIVANT !

« Et bien voilà qu’il déraille ! » se disent les adeptes de mon article du dimanche ! Mais pas du tout, entre hier et aujourd’hui, j’aurais pu rendre l’âme !

On dit toujours « C’est dur de vieillir », ce qui n’est qu’une partie de la réalité. Chaque matin, et ce dimanche n’a pas fait exception à la règle, je me dis plutôt que c’est beau de pouvoir vieillir. Et puis, tout est relatif : je suis un vieillard de 50 ans pour mon fils de 10 ans, et un jeune premier pour mon père de 74 !

Quand on est encore vivant après plusieurs décennies, c’est qu’on a eu de la chance, rien de plus. On ne le mérite pas, on est simplement passé au travers des accidents et des maladies : vieillir est donc une merveilleuse chose, une grande chance, il faut en profiter. De toutes façons, on n’a pas le choix, l’éternelle jeunesse n’existe que pour ceux qui sont morts dans la fleur de l’âge.

Depuis une certaine période difficile des années 80, que je vous raconterai peut-être au dernier jour du blog, j’ai vécu sans construire aucun plan sur la comète, au jour le jour, faisant passer les plaisirs de la vie présente avant ses emmerdements, ce qui n’empêche pas d’en avoir d’ailleurs, mais moins 🙂 A mes enfants, je dis souvent : « Faites ce qui vous plait dans la vie, laissez-vous guider par vos envies et il arrivera ce qui arrivera, tout n’est qu’une suite d’aléas au bout du compte (ou du conte, si on est poète) ».

C’était donc ma pensée au pied du lit ce matin : toujours vivant ! Pas de photo mais une fable de La Fontaine pour illustrer mes modestes propos.

LE VIEILLARD
ET LES TROIS JEUNES HOMMES

source : http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/vieil3jom.htm

Un octogénaire plantait. (1)
Passe encor de bâtir ; mais planter à cet âge !
Disaient trois Jouvenceaux, enfants du voisinage ;
Assurément il radotait.
……. …… Car au nom des Dieux, je vous prie,
Quel fruit de ce labeur pouvez-vous recueillir ?
Autant qu’un patriarche il vous faudrait vieillir.
À quoi bon charger votre vie
Des soins d’un avenir qui n’est pas fait pour vous ?
Ne songez désormais qu’à vos erreurs passées :
Quittez le long espoir et les vastes pensées ;
Tout cela ne convient qu’à nous.
Il ne convient pas à vous-mêmes,
Repartit le Vieillard. Tout établissement (2)
Vient tard et dure peu. La main des Parques blêmes
De vos jours et des miens se joue également.
Nos termes(3) sont pareils par leur courte durée.
Qui de nous des clartés de la voûte azurée
Doit jouir le dernier ? Est-il aucun moment
Qui vous puisse assurer d’un second seulement ?
Mes arrière-neveux me devront cet ombrage :
Hé bien défendez-vous au Sage
De se donner des soins pour le plaisir d’autrui ?
Cela même est un fruit que je goûte aujourd’hui :
J’en puis jouir demain, et quelques jours encore ;
Je puis enfin compter l’aurore
Plus d’une fois sur vos tombeaux.
Le Vieillard eut raison ; l’un des trois Jouvenceaux
Se noya dès le port allant à l’Amérique.
L’autre, afin de monter aux grandes dignités,
Dans les emplois de Mars servant la République, (4)
Par un coup imprévu vit ses jours emportés.
Le troisième tomba d’un arbre
Que lui-même il voulut enter ; (5)
Et pleurés du Vieillard, il grava sur leur marbre
Ce que je viens de raconter.

La forme est celle d’une narration ; en fait, une inscription « gravée dans le marbre » par l’un des personnages de la narration…ce que nous révèlent les deux derniers vers.
La narration trouve ses sources dans Abstémius où le débat se limite à un vieillard et à un seul jeune homme qui se tue en tombant d’un arbre où il était monté pour prendre des greffes.
Ce modèle est enrichi de nombreux souvenirs d’Horace, Sénèque, Cicéron, Virgile.

(1) faisait planter
(2) tout ce que l’homme établit
(3) les limites de notre existence
(4) l’État
(5) greffer

A demain matin pour de nouvelles aventures boursières.

Une réponse to “La vie est une suite d’aléas qui devrait nous faire aimer la vieillesse”

  1. eric25 7 décembre 2014 at 12 h 52 min #

    Comme l’on dit, « passé 50 ans, si on se réveille sans douleur c’est qu’on est mort ! »
    Bon WE à tous !

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